Druuna

Sur Le Point Q, on parle également de BD érotiques. Aussi, Druuna était incontournable.

Le Magnum Opus de Paolo Serpieri a été réédité sous la forme d'une intégrale en six volumes, chez Glénat.

En apparence, Druuna, ce ne sont que des historiettes mettant en scène une héroïne callipyge...

Il faut dire que Serpieri, obsédé des fesses, utilise TOUTES les occasions pour montrer le derrière de sa Druuna !

Néanmoins, l'intrigue est plus complexe qu'il n'y parait.

Morbus Gravis
L'histoire débute dans un monde en ruine. Une poignée d'Hommes cherchent à survivre.

Un mal mystérieux et incurable ronge la population.

Le succès de Druuna, c'est que l'album sort en 1985. Le sida vient d'être découvert. L'acteur Rock Hudson est la première vedette à se déclarer séropositive. Durant les Trente Glorieuses, on avait éradiqué des maladies jusqu'ici mortelles. Faute de réponses sur le sida, on se jette sur tout ce qui parle de maladies...

L'héroïne c'est donc Druuna. Son compagnon, Schastar, est infecté.

Un sérum permet de ralentir la mutation.

Pour s'en procurer des doses, Druuna doit se prostituer auprès d'un médecin sodomite...

Le mal devient incontrôlable. Les survivants tombent dans l'ultra-violence, se tuant pour un rien. Schastar et Druuna s'enfuient vers la ville haute, censément indemne.
Schastar est trop malade pour poursuivre et Druuna doit l'abandonner. Lorsqu'elle pénètre le secteur, elle découvre une salle de contrôle. En fait, la ville n'est qu'un vaisseau spatial, Delta, contrôlée par un cerveaux malade mais omniscient, celui de Lewis.

La fuite et les sacrifices de Druuna ont été vains. La voilà prisonnière d'un vaisseau à la dérive, dans le vide sidéral...

Un "unhappy end" très sombre, typique des BD de l'époque.

Druuna
Morbus Gravis se termine sur une "fin" et non un "à suivre". En plus, Serpieri est davantage un illustrateur qu'un dessinateur. Il n'a pas vocation à créer des séries.

Néanmoins, devant le succès de l'album, l'Italien reprend les pinceaux pour un second album, Druuna. C'est lui qui donne son nom à la série.

Druuna (renommé par la suite Delta, pour ne pas être confondu avec la série) sort en 1987.

L'intrigue tourne un peu en rond. Druuna erre seule. Lewis apparait sous forme de songes érotiques pour l'aider. Un point qui deviendra récurrent.

Le mal a gangrené la quasi-totalité du vaisseau. La poignée de militaires et de civils restants sont devenues des bêtes assoiffées de sexe et de sang.

Un autre point récurrent, c'est que Druuna utilise ses fesses. Au sens propre du terme : pour se sortir d'un traquenard, glaner des indices ou obtenir une protection, elle se fait sodomiser !

Le seul qui résiste aux charmes de Druuna, c'est Bidule. Ce gnome surgit lorsque la situation semble désespérée, tailladant les méchants. L'héroïne oscille entre la reconnaissance et la condescendance à son égard. Quasi autiste, Bidule s'exprime en phrases n'ayant aucun sens, puis il disparait aussi sec.

Druuna/Delta est avant tout un pont vers une série d'albums.

Bien qu'Italien, c'est en France que Serpieri connu le succès. Ses dessins furent ainsi diffusés dans Charlie Mensuel (alors propriété de Dargaud.) Dargaud publie Morbus Gravis et Druuna, censurant les scènes de sexe. Puis Georges Dargaud décide de remodeler son catalogue de BD.
Sans éditeur fixe, Serpieri se tourne vers l'obscur Bagheera (à ne pas confondre avec l'actuelle maison Baghera, avec un seul "e") pour la suite de la série...

Creatura
Après un Druuna un peu mou du genoux, la série reprend du poil de la bête avec Creatura, en 1990.

Un groupe d'astronautes débarque sur Delta, sauvant Druuna (qui est alors quasiment l'unique survivante.) Le chef des astronautes est Will, un soldat de l'espace.

Will permet à Serpieri de ne plus se focaliser uniquement sur le personnage de Druuna.

Notez que le dessinateur avait rêvé cette scène d'escaliers partant dans tous les sens (un hommage à M.C. Escher ?) C'est suite à cela qu'il eu l'idée de Morbus Gravis.

Une fois sur Delta, il est lui aussi victime des songes télépathiques de Lewis.

Dans Aphradosia, il sera le personnage principal pendant près de la moitié de l'ouvrage.

Will est un personnage de fumetti : le noir Américain charismatique, droit dans ses bottes et bon militaire.

Accessoirement, Serpieri voulait provoquer. Et quoi de plus provoquant qu'un noir sodomisant une blanche, qui en redemande ?

Terry est l'unique femme de l'équipage. Ses rapports avec Druuna sont ambigüe : tour à tour hostiles vis à vis (vue qu'elles aiment toutes les deux le sexe de Will...) ou amicaux, voire amoureux.

Très masculine, elle aime néanmoins être dominée...

Serpieri s'est lui-même dessiné sous les traits du Doc. C'est le psychanaliste-médecin-chercheur de l'équipage.

Avec Bidule, c'est l'un des seuls à ne pas tenter de coucher avec Druuna ! Il a plutôt tendance à jouer les pères de substitution.

Carnivora
L'équipage s'enfuit avec Druuna. Un peu triste, elle pense abandonner définitivement ce qu'elle a connu...

Néanmoins, le mal a également embarqué. Il décime l'équipage et l'album ressemble à un version sexy d'Alien...

Mandragora/Aphrodisia
Serpieri abandonne ensuite le space opera. Lewis a pris le contrôle des cerveaux de Druuna, Will et Terry. Ils multiplient les hallucinations.

L'auteur, grand fan des romantiques du XIXe siècle multiplie les scènes dans des lupanars.

Sous forme de songe ou de robot, Schastar intervient pour aider sa belle. Puis après une brève étreinte, il disparait.


Serpieri récuse l'étiquette "d'auteur intello". Néanmoins, il se défend de faire de la "BD de cul". On lui a proposé d'adapter Druuna sous forme de film érotique ; il a refusé.

En tout cas, dans un monde de mort et de violence, Druuna représente la vie et la paix. Elle est d'ailleurs souvent la seule touche de couleur.

Au temps de Dargaud, le sexe était rare. Désormais, les scènes se multiplient...

Et plus de sous-entendus ! On voit bien le sexe d'un des personnages rentrer dans l'anus de Druuna !

Et en permanence, elle a envie d'être sodomisée !

Elle goûte même au plaisir au féminin avec Terry !

Ceux qui juraient que Druuna était avant tout une BD de science-fiction sont décontenancés.

La Planète oubliée/Clone

Au tournant du siècle, la série change encore une fois de ton. Le vaisseau s'écrase et l'équipage a disparu.

Voilà Druuna dans une nouvelle cité en ruine. Mais sans survivants lubriques, cette fois. Un Druuna sans sexe ? Décidément, Serpieri aime surprendre ses lecteurs !

Serpieri n'aime pas être comparé à son compatriote Milo Manara. La principale différence, ce serait l'absence de morale chrétienne, omniprésente chez Manara.

Pourtant, on note que régulièrement, Drunna fait face à des créatures portant des caftans. Des personnes hostiles, qui l'accusent d'être une trainée et la menacent de châtiments. Toute ressemblance avec des moines inquisiteurs...

Anima/Celle qui vient du vent
Après 15 années de pause, Serpieri reprend enfin Druuna.

Depuis Clone, on sait qu'il n'y a plus de réalité. Les hommes et les créatures ne sont plus que des espèces de robots manipulés par des genre d’araignées et placés dans un monde créé par Lewis !
L'auteur profite pour transposer sa série dans un monde inédit. L'occasion d'un hommage au western, l'un de ses premiers travaux d'illustrateur.

On reconnait également un clin d’œil à Moebius.

Ce sont des albums très "méta". Serpieri en profite également pour nous donner un cours de philosophie.

Personnage assez à cheval sur ses principes, il ne veut pas faire appel à un scénariste. Celle qui vient du vent est un archétype d'album où l'on a des scènes pas vraiment reliées entre elles.

Puis l'on voit Druuna (vêtue d'une perruque blonde) lisant ses aventures, en BD. Et si tout ceci n'était que son imagination ?

L'intégrale
Le bonus de cette intégrale, ce sont les nombreux croquis et crob'art. Ils sont tous plus torrides les uns que les autres !

On y trouve des extraits en V.O. Car même dans les derniers albums, les scènes de sexe ont été raccourcies et édulcorées pour la France !

Et puis il y a Peut-être, un récit de 1981. Une femme brune, plutôt gironde qui se tape un inconnu au bout de trois cases, des mutants, des expériences... C'est un vrai pré-Druuna !

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