Druuna - Au commencement 2

Suite du préquel de Druuna. Voici l'opus numéro deux (sur trois) : Genesis. Toujours chez Glénat. Comme son nom l'indique, il doit remonter encore plus loin dans le temps, avec l'ancêtre de l'héroïne, Demetra. Signalons un changement d'auteurs : Marco Cannavò est au scénario, tandis qu'Andreas Iula et Corrado Roi s'occupent du dessin.

Au cinéma ou en BD, l'imagination est une denrée rare ! Tout n'est qu'adaptation d’œuvres sur d'autres supports, reboots, suites (avec le cas particulier du "20 ans après...") et... Préquels. Et à chaque fois, on change le casting originel.

Druuna, c'est Paolo Eleuteri Serpieri. L'illustrateur érotomane qui s'est lancé dans la BD. Il a connu le succès presque par hasard avec Morbus Gravis. Il créa une série autour, à un rythme très irrégulier. L'auteur n'était pas scénariste. Il avait des idées de scènes, qu'il reliait ensuite tant bien que mal. Aussi, souvent, il dépassait les 48 pages (surtout au début.) Le rabiot allait servir de base à un album suivants ! Voilà pourquoi l'intégrale, avec ses deux albums regroupés par volume, fonctionnent si bien.
Tout cela explique les lenteurs, les contradictions, les trous béants dans l'intrigue, etc. Par exemple, dans Carnivora, Terry se suicide pour ne pas être dévorée par un monstre. Mais dans Mandragora, elle est présente comme si ça n'était jamais arrivé ! Ce sont ces fautes de continuités qui font le sel de la série.

Ses successeurs, eux, tiennent tout expliquer et à maintenir le rythme. C'en est presque trop cohérent, sur la forme !


Le deuxième soucis des préquels, ce sont les personnages secondaires. Dans Morbus Gravis, seul Schastar est présent. Mais les auteurs ont décidé qu'il ne ferait qu'une apparition. Pour éviter une Druuna monogamme ? Les autres personnages récurrents, comme Lewis, Bidule, Will, Terry ou le Doc, n'arrivent que plus tard dans la narration.
Solution : inventer de nouveaux personnages. Oui, mais dans une série comme Druuna, il n'y a personne qu'elle connaissait déjà. Ou même qui sont évoqués. C'est justement le sel de la série : l'héroïne est livrée à elle-même, dans un environnement hostile.

Donc, tout personnage introduit dans les préquels, aura disparu au moment de Morbus Gravis. Le lecteur aura donc du mal à s'y attacher.
Ainsi, Kartes, personnage importants d'Espoirs, meurt dès la troisième page. Druuna pleure son copain deux cases ! Et elle n'y fera même plus allusion.


Côté nouveaux, voici Teseus. Un mélange du Morgan Freeman de Bruce Tout-puissant (pour le côté omniscient, mais gentil et blagueur) et du Samuel L Jackson de Django unchained (pour le look.)

Teseus lui apprend qu'elle est une élue et qu'ils sont sur un vaisseau spatial...

Alors pourquoi est-elle horrifiée, à la fin de Morbus Gravis, lorsque Lewis lui apprend qu'ils dérivent dans l'espace ? Pourquoi ne dit-elle pas "lol, j'étais au courant" ?

D'autant plus que c'est un moment-clef du premier album. Druuna avait traversé nombre d'épreuves pour sortir de la Ville et elle découvrait, désespérée, qu'il n'y avait pas d'issue.

Autre nouveau personnage : Polydore, un simili-Bidule.

Et puis, il y a Demetra, l'ancêtre de Drunna. On nous promettait un "strong female character", comme on dit à Hollywood...

On est sur Terre, dans un futur proche, trois siècles avant l'action de Druuna. Demetra est un ex-officier d'un complexe militaro-scientifique, qui a rejoint la rébellion. L'élite étant en train de préparer une Arche de Noé spatiale. La population est saignée à blanc pour la construire.

Comme sa descendante, Demetra aime bien la sodomie.


A cet instant, le récit est en noir et blanc. Le style et le découpage rappelle les fumetti.

Pour le reste, c'est surtout l'occasion d'un cours de moral niveau lycée. La scène de procès est particulièrement pénible avec son discours sur les puissants/corrompus vs les rebelles.

Globalement, Demetra passe son temps à se faire capturer. En plus, elle meurt bêtement, mordue par un mutant. Pour la femme forte, il faudra repasser...


La fille de Demetra, Hope, gagne son billet pour le vaisseau spatial. On peut dire que ce n'est pas grâce à Demetra...

Au détour d'un case, on apprend que le père de Hope, c'est Lewis. Oui, le même Lewis qui se tape Druuna au début de l'album Druuna/Delta !

Puis retour au présent. Druuna doit être mise dans un état de mort apparente pour vaincre l'intelligence artificielle Alpha, en enfer.

Dans Espoirs, déjà, elle devait s'allonger pour visiter l'esprit d'un mutant. Alors, pourquoi, dans Mandragora, lorsque le Doc lui fait un genre d'IRM, elle semble surprise ?


Les nouveaux auteurs ont l'air tout même plus à l'aise que ceux d'Espoirs. Le rythme de Genesis est mené tambour-battant. 66 pages, c'est un peu court, même si c'est le format standard des Druuna.

Reste à savoir comment, dans l'épisode 3, ils pourront introduire Schastar, montrer le moment où le vaisseau de Lewis (accompagné de Hope ?) part en cacahuètes, atteindre Alpha, etc.

Sans oublier le sexe ! Ici, ils ont inséré au chausse-pied une scène bisexuelle, avec Phedora, la laborantine de Teseus et un androïde.


Paolo Eleuteri Serpieri aimait la mythologie celte et dans une moindre mesure gréco-latine. Bref, tout ce qui est pré-chrétien. Marco Cannavò a donc fouillé pour y chercher des noms.
Ce qui est très nul, ce sont les renvois avec la signification du prénoms. On s'en contrefiche. A fortiori pour des personnages qui meurent au bout de deux cases...


Au moins, ils ont réussi la scène de lit. Paolo Eleuteri Serpieri adorant représenter Druuna allongée sur le ventre...

Justement, le vieux maitre nous livre quelques croquis inédits, en fin d'album. Même retraité, il ne peut s'empêcher de croquer sa muse imaginaire.

Andrea Iula et Carrado Roi se contentent d'un unique dessin de couverture alternative. Ils ne font pas de repérages ou de dessins d'étude ?

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