Vie et mort du X Italien


Le mondo
Dans les années 50, 60, 70, le cinéma Italien était l'un des plus prolifique d'Europe. On se souvient bien sûr du néoréalisme et des films d'auteurs. Mais l'Italie, c'était aussi des films de genre : péplums, polars, films d'aventures, films d'actions... Il y en avait pour tous les goûts, tournés au kilomètre. A la fin des années 50, la censure était là et l'érotisme était sévèrement bridé. Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi trouvèrent une parade : le mondo. L'idée était d'utiliser le prétexte du documentaire pour jouer les voyeurs. Au programme donc, du sexe et de la violence. Dans les années 60, on vit fleurir nombre de "documentaires". Certains réalisateurs n'hésitant pas à tourner des scènes avec des acteurs et à les faire passer pour des reportages.
Néanmoins, l'Italie se fit doubler par les Etats-Unis et la Suède. Surtout sur le côté érotique.

Sexy !
La stratégie du cinéma bis Italien, c'était que des qu'un film marchait, on inondait le marché de mauvaises copies, jusqu'à ce que les gens en aient marre. Ce fut le cas avec le péplum ou les western-spaghetti.
En 1971, Pier Paolo Pasolini connu un triomphe avec le Decameron. Les copistes s’empressèrent donc de réaliser des scènettes érotiques, en costumes, supposément adaptées de comtes médiévaux. Ce fut très bref. Mais l'idée de repousser la censure et de montrer de la fesse nue étaient là.

A peu près à la même époque, ce fut le temps des sexy comédie. Tous les prétextes étaient bons pour mettre un ou deux nigauds face à une jeune fille sexy (qui se retrouvait en sous-vêtements sans raison apparente.) Les noms et l'affiche se voulaient racoleurs comme Et mon cul c'est du poulet ? ou Marche pas sur ma virginité. Mais le sexe y était au mieux sous-entendus, entre deux gag lourdingues.
Plus généralement, dans le cinéma bis des années 70, les plans de femmes seins nus, voire entièrement nues étaient légions.

Toujours plus hard
A la fin des années 70, la télévision débarqua dans les foyers italiens. Contrairement à la France, l'Italie n'a pas imposé aux chaines de financer le cinéma. De grands réalisateurs comme Bernardo Bertolucci ou Federico Fellini traversèrent les Alpes. Les studios Français étant trop heureux de les coproduire. En revanche, le cinéma "bis" se retrouva dans l'impasse. Les studios fermèrent. Quant aux cinémas de quartiers, ils laissèrent place à des multiplex qui diffusent les blockbusters d'Hollywood.
Le seul genre de films que les Américains ne faisaient pas, c'étaient les films érotiques. Les seconds couteaux Umberto Lenzi ou Joe d'Amato choisissent donc d'en tourner. Bruno Mattei, lui, débuta par l'érotique pour ensuite filmer des séries B.
Comme d'habitude, les Italiens copièrent ce qui marche. Ce qui marchait, c'était Emanuelle. D'où des emmanuelleries, sans aucune espèce d'intégrité. Petit à petit, on glissa des pénétrations simulées vers de vrais films pornos. Des actrices de sexy-comédie comme Lilli Carati ou Paola Senatore se sont reconverties dans un porno, qui était encore très soft.
Ilona Staller était espionne en Hongrie (sa mission était de coucher avec des opposants, pour les compromettre !) Elle commença à tourner des films érotiques Italiens. Puis, au milieu des années 80, elle imposa son personnage de Cicciolina, une espèce de femme-enfant nymphomane. Avec ses copines Moana Pozzi, Jessica Rizzo et plus tard, Selen, elle fit entrer le X Italien dans l'ère hard. Sodomie, double-pénétration, utilisation de godemichets, présence de transsexuels, plans "gynécologiques"... Terminés, le X de papa !
Les mauvaises langues disaient que ces films étaient produits par la mafia. En tout cas, les cassettes se vendirent comme des petits pains !
Rocco
Le temps des hardeuses fut très bref. Mais nos vieux grognards ont compris que la demande avait évolué. Joe d'Amato s'adapta avec des films plus hard. Pour donner une impression de luxe, il inséra des stock-shots, ces chutes de métrages. Et bien sûr, les tournages étaient en costume (même s'il avait tendance à se fournir dans les magasins de farces et attrapes...) Mario Salieri faisait de même, donnant ainsi l'impression de tourner de grandes fresques. A une époque où le X Français se cherchait, ses acteurs (et ses actrices) allaient tourner en Italie afin d'y trouver davantage de moyens.
C'était aussi le temps de la chute du Mur. L'astuce, c'était d'embaucher des Hongroises avec des pseudonymes bien Italiens, comme Lea Martini, Erica (Erika) Bella, Anita Rinaldi, Simona Valli... Elles avaient moins de retenue à tourner sans préservatifs, à accepter des double-pénétrations ou à se faire refaire les seins.

Rocco Siffredi commença à tourner à la fin des années 80. Néanmoins, il ne devint un pilier du hard qu'au milieu des années 90. La plupart des acteurs masculins n'étaient que des bites sur pattes. Pas Rocco. Ancien mannequin, il possédait une vraie présence et pouvait déclamer un long dialogue sans regarder la caméra. Polyglotte, il était capable de tourner en France ou aux USA, sans être doublé. Il savait même tenir une caméra et on pouvait l'envoyer en Hongrie caster les filles.

Mais Rocco était trop malin pour n'être qu'un sous-fifre. Conscient de sa notoriété, il commença à réaliser, puis à produire, dans la deuxième moitié des années 90. Rocco ne tournait plus que pour Siffredi et il vampirisa le X Italien.

La fin
Contrairement à Joe d'Amato ou à Mario Salieri, Rocco n'avait pas vocation à être un cinéaste. Son truc, c'était de tourner caméra à l'épaule. Il fut un précurseur du gonzo, voire du porno-réalité : l'acteur-réalisateur se rendait dans une ville (Rio de Janeiro, Budapest, Londres ou Los Angeles), y rencontrait des femmes, qu'il baisait dans des chambres d'hôtels. Tout cela pour produire des DVD à la chaine.
Or, en Italie, point de maisons comme Marc Dorcel ou Private. Lorsque les vétérans prirent leur retraite (faute notamment de savoir tourner des gonzo), ils fermèrent leur boutique. Rocco Siffredi tenta de prendre sa retraite d'acteur. Mais impossible de trouver un "remplaçant". Pas cons, les acteurs compétents (comme Manuel Ferrara) montèrent leur propre boite de production (quel intérêt à n'être qu'un simple employé ?) Puis ce fut au tour de Rocco Siffredi de tanguer. Le fisc italien la réclama des arriérés. Puis il manqua le virage internet, avec l'apparition de "pure players".
Aujourd'hui, Rocco Siffredi reste une légende. Mais une légende vieillissante, qui n'est plus aussi incontournable qu'avant. Et surtout, il n'y a plus de X Italien. Alors que la France ou la Grande-Bretagne ont su faire vivre et développer un cinéma spécifique, avec son style et ses codes.

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