Le blog sexe de Flu

C'est marrant de voir à quel point Fluctuat semble avoir disparu. Non pas juste une disparition de l'URL, mais une disparition des mémoires collectives. Alors qu'il y a 10 ans, c'était LE portail incontournable en matière de culture.

En 1998, Alexandre Boucherot, François Haget et Cédric Tournay créèrent Fluctuat. A l'origine, c'était un site web sur les bons plans sorties et restos. Très parisiano-parisien (le nom était d'ailleurs une référence à la devise de la capitale, Fluctuat nec mergitur.) Mais le sujet était très vaste et bientôt, il se déclina en pages consacrées au cinéma, à la musique et à la TV.
LE site web sur la culture, c'était Yahoo!, mais le portail commençait à décliner. Des sites comme Webcity tentaient de prendre le relais, mais ils étaient très éphémères. La force de Fluctuat, c'était d'avoir de vrais rédacteur, qui postaient sans relâche. Il avait aussi anticipé le revival des vieilles séries TV et des vieux dessins animés des années 70-80. Et surtout, il était possible de poster des commentaires.
Le rapport avec Le Point Q ? En 2006, Fluctuat lança le blog Sexe, Sexe, love and gaudriole.
Ca devait rester du "tout public". Donc pas de vraies photos de nues ou de détails trop scabreux. Le ton était avant tout potache, avec un grande proximité avec les lecteurs, comme sur les autres sites de Fluctuat. Il y avait parfois des thématiques très controversées. Je me souviens d'un sujet très complaisant sur la pédophilie avec au moins 200 commentaires.

C'était l'un des premiers sites à évoquer les sex-toys.
Problème : comme nombre de sites web, Fluctuat était constamment déficitaire. Peu après le lancement de Sexe, love and gaudriole, le portail fut racheté par Doctissimo. Doctissimo, pour ceux qui ne connaissent pas, c'est le forum médical star.

Doctissimo draine de nombreux annonceurs et cela ruisselle sur Fluctuat. En conséquence, le portail créa des sites à la demande des annonceurs, comme celui sur le football.
Dans un premier temps, tout semblait parfait : plus d'argent, donc plus de moyens, donc plus de personnel (et de vrais journalistes), donc de meilleurs articles, donc plus plus d'audience, etc.
Mais en 2008, Doctissimo était lui-même racheté par Lagardère Interactive. Daniel de Almeida prit la barre de Fluctuat. L'objectif officiel, c'est de recadrer un site qui part dans tous les sens. En fait, il s'agissait surtout de faire du sur-mesure pour les annonceurs.

Sur la page de garde de chacun des sites, on voyait apparaitre l'ensemble des articles, sur la colonne de gauche. Y compris ceux du blog Sexe... Exit donc les articles controversés, notamment sur la prostitution ou le fétichisme. Le ton changea radicalement. Place aux thématiques sur le sexisme, la lutte contre l'homophobie, sans oublier l'humour "comment vas-tu yô de poële ?" Sans oublier les tutoriels sur la sexualité (car cela donnait un but "noble" à ce blog ; les annonceurs adorent ça.)
Sans surprise, les meilleures plumes, comme Maïa Mazaurette, partirent. En 2009, il y eu une curieuse série "10 ans de sexe", qui sonnait déjà comme le chant du cygne du blog.
Fluctuat, c'était devenu du caca, mais en prime, les annonceurs trouvé de nouvelles pépites. Le site n'avait pas pris le virage des réseaux sociaux et les lecteurs fuyaient. Konbini et Vice débarquaient avec des plateformes taillées sur mesure pour les annonceurs (quitte à "oublier" de préciser que certains articles sont sponsorisés...) et ils s'adressent à un public plus jeune.
En 2012, Lagardère décida de raccrocher Fluctuat au site Premiere.fr. La migration se passa mal et beaucoup d'articles disparurent. Hasard ou coïncidence, le blog Sexe, love and gaudriole disparu presque intégralement... En 2015, Premiere.fr eu un nouveau site et Fluctuat disparu. Seuls Les Inrocks s'en était ému. Pour les autres, le site était "mort" depuis longtemps...
La moral de cette histoire, c'est que les annonceurs ont une vision court-termiste. Ils veulent faire de la pub sur un site qui fait de l'audience. Ils n'ont absolument aucun égard pour la qualité éditoriale de votre site. Ils veulent de l'advertising friendly, point. Tant pis, si comme Fluctuat, ça fini par couler le site ; ils iront faire de la pub ailleurs, une fois que la vache n'aura plus de lait à traire. D'ailleurs, aujourd'hui, Vice et Konbini sont à leur tour en train de lasser leurs lecteurs avec leurs publi-reportages...

Idéalement, c'est aux marques de s'adapter à votre site et non l'inverse.

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