Cul vs sexe anal

Eric Naulleau a mis en parallèle la campagne Aubade des Galeries Lafayette et la sculpture de Paul McCarthy. Deux polémiques, où les rôles se sont inversés.

Le polémiste était si fier de lui, qu'il a posté cela sur Twitter et sur Facebook. En tout cas, le parallèle est saisissant et il démontre un certain opportunisme.

Acte 1 : le plug de Paul McCarthy

Paul McCarthy est un artiste Américain. Depuis la fin des années 60, il aime choquer à coup d'installations salaces et souvent scato comme ces crottes gonflables (alias "empilement complexe") exposé au Paul Klee Zentrum, en 2007. Ca n'a jamais été un grand nom de l'art contemporain.
En 2014, en marge de la FIAC, il fait ériger, place Vendôme, à Paris, un "sapin" géant, gonflable. Personne n'est dupe : c'est un plug anal.

On est alors après la Manif pour tous. La droite réactionnaire hurle à la dépravation de l'art. D'emblée, il y a des menaces de dégradations, voir de destruction. Anne Hidalgo répond que s'en prendre à un artiste et à son œuvre, c'est menacer la liberté artistique. Quant à Fleur Pellerin, alors ministre de la culture, elle rappelle que l'Allemagne nazie traitait les artistes "d'art dégénéré"... Mettre sur le même plan Max Ernst, Bertolt Brecht ou Marc Chagall et un plug gonflable, c'est quand même fort ! Mais qui aurait osé se mettre dans le même camp que nos réactionnaires ? Il y en eu même qui tentèrent de rétablir l'expression "art dégénéré" en signalant qu'elle avait été trouvée par un Juif, Max Nordau !

Des vandales crevèrent l’œuvre. Paul McCarthy surfe sur sa gloire pour organiser une expo, la Chocolate factory. On n'a plus entendu plus parler de l'artiste depuis.

Une fois la polémique retombée, Eric Connan, de Marianne, se fendit d'un article pour dire que Paul McCarthy n'était qu'une escroquerie intellectuelle. Des provocations dans le seul but de faire parler d'eux et de séduire des mécènes (François Pinault expose alors quelques unes de ses œuvres.) Le tout sur un marché de l'art où les acheteurs sont des financiers qui espèrent une plus-value à la revente et qui profitent des défiscalisations, en attendant. Le tout en se drapant derrière l'art qu'il doit pouvoir s'exprimer sans contraintes...
Acte 2 : Aubade et les fesses interdites

Aubade est une entreprise française qui fêtera bientôt ses 150 ans. Depuis 1958, elle fabrique de la lingerie féminine.

A la fin des années 80, la lingerie se fait plus coquine. C'est le temps des strings et des Wonderbra. Aubade est au premières loges. En 1992, avec la campagne "leçon de séduction", il présente ses produits dans des mises en scène rappelant les photos de charme. Ce sont des femmes troncs ; on ne voit jamais leur visage. Le premier photographe est pourtant quelqu'un de réputé, Bernard Matussière, venu de la photo artistique.
Par la suite, Aubade va crescendo dans l'érotisation. Les modèles cambrent leur croupe ou jouent avec leur culotte, comme si elles s’apprêtaient à se déshabiller. On voit des menottes et des fouets. Mais à chaque fois, l'homme est soumis. C'est lui qui est humilié et qui se languit, tandis que sa compagne joue avec ses nerfs...

C'est un gros succès pour Aubade, qui fit sans doute LA campagne érotique de la décennie. Cette notoriété soudaine lui permet de croitre. L'entreprise en profite pour délocaliser la production en Tunisie et fermer peu à peu ses usines françaises. Depuis 2015, la marque appartient à un groupe Suisse, aux côtés de Lafuma, Eider ou Oxbow.
En 2017, Hélène Bidard, élue PCF de Paris et délégué en charge de l'égalité, a fait voter une loi. Désormais, les pubs jugées "sexistes" sont interdites d'affichages public. Aubade n'aurait plus le droit d'afficher.

Mais à noël 2018, Aubade s'offre une campagne d'affichage géante sur les Galeries Lafayette. C'est un espace privé, donc c'est autorisé. Aubade voulait être vu et c'est réussi ! Mais pas forcément de la manière dont il l'espérait... Une féministe alerte Hélène Bidard. C'est un tir de barrage. "En plein #metoo, vous n'y pensez pas !"

Le 12 décembre, l'affiche est retirée au profit d'une affiche géante avec Millie Bobby Brown (l'actrice de Stranger Things.) Hélène Bidard se félicite de son lobbying, tandis que les Galeries Lafayette déclarent que la campagne Aubade était simplement arrivée à terme.

Il faut lire la presse féministe. Pour Terra Femina, l'équation est claire. Le sexe, c'est l'oppression. Ces fesses sans tête, c'est forcément une femme soumise, réduite à l'état d'objet sexuel pour des mâles lubriques. Pour Biba, les publicités sexistes (car sexuées) entravent le développement et l'épanouissement des femmes. Elles privilégient leur apparence à leur bien-être. Chez les plus jeunes, cela peut même les dissuader de faire carrière (sous-entendu une carrière "sérieuse".)
Bien sûr, c'est bourré de contradictions. Qui est la plus épanouie ? La modèle d'Aubade ou Millie Bobby Brown qui, à 14 ans, est cernée d'une armée d'agents et de communicants qui lui disent quoi faire et comment s'habiller ? Et en quoi serait-ce mal, pour une femme de vouloir se sentir belle et séduisante ? En quoi serait-ce mal, pour une femme de vouloir mettre en avant ses attribues ? Beyonce, l'une des grandes icônes de ces mêmes féministes, s'est imposée grâce à ses déhanchés et ses textes souvent provocateurs.

Et ainsi, cette même Mairie de Paris qui défendait le plug de Paul McCarthy se retrouve au premier rang de la ligue anti-sexe.

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