Salo, le salon du dessin érotique


Un salon du dessin (et de la photo) érotique s'est tenu ce week-end à Paris. Le Point Q était bien sûr là. 

En 2007, un groupe d'artistes s'installaient dans une ancienne salaison, à Romainville (93.) L'enseigne était un gros cochon. Les artistes eurent donc l'idée d'un "salon cochon". Ce qui fut d'abord une blague devint un évènement pérenne.

Désormais, le Salo a désormais lieu à Ménilmontant. Un quartier "hallalisé", pas vraiment propice à la gaudriole...

De l'extérieur, une unique banderole signale que oui, c'est bien là.

"Salo", cela rappelle Salò ou les 120 journées de Sodome, film érotico-crépusculaire de Pier Paolo Pasolini. Un film bien sûr adapté des 120 journées de Sodome du Marquis de Sade.
Mais par ailleurs "Salo" signifie couenne en ukrainien. Afin de rester sur le thème du cochon.

J'ai décompté 150 artistes présents. Le lieu était inadapté. Les œuvres se marchaient dessus, ce qui les empêchaient de s'exprimer (cf. l'exposition Manara, plus aérée.) Et il y avait trop de fenêtre, avec de nombreux contre-jours.

Après, on est à Paris. Les loueurs de lieux pour évènementiel ont l'habitude de clients comme LVMH ou Kering. Donc le moindre local est hors de prix. Salo fait donc ce qu'il peut.

C'est ma première visite, donc je ne peux vous dire ce qui est nouveau ou ce qui tend à disparaitre.

En tout cas, plus tendances ressortent.

La première, c'est un retour à l'imagerie érotique du début du XXe siècle. Comme il s'agissait d'une activité clandestine - mais très rémunératrice -, les photos étaient prises à la volée. Les photos étaient parfois floues, souvent petites (pour pouvoir être vendues sous le manteau) et avec des modèles un peu gauche.
Certains cherchent donc aujourd'hui à reproduire ce style de photos.


Autre tendance dans la photo (et parfois, dans le dessin) : les Polaroid. Des très gros plans de vulves, de sexes, de seins ou de fesses. Cela rappelle les photos du "strip-tease des copines" de L'Echo des Savanes...


Puis il y a les Polaroid de William Phung. Il prend des femmes en gros plan, puis il recrée les silhouettes à l'encre de Chine.


Les réseaux sociaux inspirent. Avec leur intimité mise en scène, ce mélange de narcissisme et d'exhibition, puis cette course au like...


Pourqu'il y ait des exhibitionnistes, il faut qu'il y ait des voyeurs. Mais les voyeurs agissent également à l'insu des gens. Il n'y a plus d'intimités. Si vous vous déshabillez, vous risquez qu'un voyeur soit à proximité, qu'il prenne des photos de vous et qu'il ne les diffuse.


Les réseaux sociaux, c'est aussi la tentation des sites de rencontre. Aujourd'hui, vous êtes heureux en couple, mais demain, au moindre nuage, vous serez tenté de voir ailleurs. Car votre prochain partenaire n'est qu'à quelques clics...


La tentation, c'est une transition toute trouvé vers l'imagerie catholique. On est dans des détournements intelligents. L'obsession d'un christ parfait devient une figure homoérotique. Les paroles de dévotions de la Sainte Vierge sorties de leur contexte pour du crypto-SM. Un cunnilingus devient une image pieuse. Et un homme sous la douche prend des airs d'extasié.


Se moquer du catholicisme, ça n'est plus transgressif depuis au moins 50 ans. Le nouveau tabou, c'est l'islam. Dans un recoin, en hauteur, on aperçoit deux femmes voilées s'embrassant. L'une d'elle laissant voir des bas sous son abaya.

Très culotté, donc.


Un autre tabou, c'est la masturbation masculine. Les hommes restent les principaux consommateurs de porno et on n'a pas envie d'images qui renvoient à notre propre échec.

Car la masturbation, cela reste une pulsion sexuelle que l'on assouvie avec ses mains, faute de partenaires.

Plusieurs artistes retranscrivent cette frustration. Cet homme nu, le membre flasque, qui semble se désespéré de n'avoir pas de notifications sur son portable. Ou ce jeune Asiatique enrobé, qui choisit un magazine porno. Par contre, cet autre homme vient de jouir sur une image de sodomie et tandis qu'il s'enfonce dans la torpeur, son songe devient flou...

Beaucoup, beaucoup de choses à dire et d'œuvres remarquables. La tendance générale, c'est que dans une ère de virtuel et de prompt d'IA, des artistes veulent retrouver le charnel. Le pinceau, le crayon, la photo argentique, jusqu'à la matière. Le cuir est déformé pour devenir un clitoris. Et un mouchoir est transpercé d'épingles pour former le mot "Chatte" (un hommage à Vivid et au récemment disparu Paul Thomas ?)


Terminons par cette photo très léchée, mais en même temps, très obscène de Frédéric Fontenoy.

En définitive, ce Salo gagnerait à être davantage connu. Hélas, par les temps qui courent, aucun mécène public ou privé n'ose ouvertement soutenir l'érotisme.

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