Larry Flint (1942-2011)

C'est un pan entier de l'histoire de la pornographie qui disparait. Éternel provocateur, ouvertement vénal, Larry Flint n'était pas que le fondateur de l'empire Hustler. Il a surtout été le modèle des pornocrates modernes. Et ce fut un poil à gratter de la vie politique US pendant un demi-siècle.

Larry Claxton Flynt Jr est né dans le Kentucky. Après le divorce de ses parents, il suivit sa mère dans l'Ohio. Larry Flint aimait bien raconter comment il s'engagea dans l'armée à 15 ans, avec un faux certificat de naissance. Plus tard, il s'engagea dans la Marine et il fut l'opérateur radar du navire qui récupéra l'astronaute John Glenn.

En 1965, il racheta le bar de sa mère et le transforma en club de strip-tease. Puis il en ouvrit un second, puis un troisième, etc.

En 1972, il rédigea un prospectus pour promouvoir ses clubs Hustler.

Un an plus tard, avec la crise, l'essence était rationnée. Les clients se faisaient rares. Flint transforma son prospectus en magazine. Alors que Playboy censurait les poils pubiens, Hustler publiait des photos "gynécologiques" de ses modèles.

Son crédo : choquer pour se distinguer des autres magazines porno-soft.

En 1975, il n'hésita à payer à prix d'or des photos de Jackie Kennedy bronzant nue, prise par un paparazzo. La veuve de JFK était pourtant taboue. Les ventes explosèrent.

Hustler se fit une spécialité de la divulgation des secrets de la politique US. Rachetant enregistrements et photos clandestines.

Alors qu'Hugh Hefner jouait les esthètes érotomanes, Flint avouait franchement ne s'intéresser qu'à l'argent.

Il avait néanmoins un faible pour la politique. Au milieu des dessins et des photos licencieuses, Flint glissa son "trou de balle du mois" : une personnalité politique passée au vitriol.

Flint n'avait pas complètement abandonné les boites à strip-tease. Il en ouvrit sur l'ensemble des Etats-Unis. Et il se diversifia dans les sex-shops avec Hustler Hollywood. Le nom faisant référence au site du premier magasin.

En 1978, il suprémaciste blanc n'a pas supporté de voir des photos d'un blanc et d'un noire couchant ensemble dans Hustler.

Il tira sur Flint et son avocat. Grièvement blessé, Flint resta paralysé. Accro aux antidouleurs, il sombra dans la drogue, avec sa quatrième femme. Il finit par se désintoxiquer et en guise de bravade, il se déplaçait désormais dans un fauteuil-roulant plaqué or.

Dans les années 80, le monde de la pornographie changeait rapidement. La première génération de pornocrate se retrouva marginalisée. Hustler, lui, prit le virage des VHS en produisant des films.

En 1996, Milos Forman raconta au cinéma la vie de Larry Flint. Woody Harrelson l'incarnait.

Notez que la France fut l'un des rares pays où l'affiche originelle fut utilisée. Cet Harrelson/Flint christique, portant la bannière étoilée en guise de culotte et crucifié sur un pubis, c'était trop choquant pour les Américains... 

Ce film fut une bénédiction pour l'empire Hustler. Larry Flint profita de sa notoriété pour passer aux DVD. A l'ère du gonzo, Hustler inondait les bacs avec ses films cheap et souvent très crus.

Pour l'anecdote, c'est Hustler qui produisit les pornos soft de Snoop Dogg.

Flint tenta également d'ouvrir des Husler Club à travers le monde. Celui de Paris fit long feu.

Républicain dans les années 70, 80, Flint soutint ensuite les Clinton.

John McCain fut le candidat républicain opposé à Barack Obama. Flint ridiculisa sa colistière, Sarah Palin, avec une parodie porno.

Il renouvela plus tard le procédé avec The Donald...

Contrairement à Playboy, Hustler n'est pas un groupe. C'est une galaxie de sociétés indépendantes (magazine, films X, clubs de strip-tease, sex-shops...) toutes gérées par Larry Flint. Le patron décidant à qui il offrait son imprimatur. Surtout, Flint était le seul maitre à bord. Il se brouilla ainsi avec son frère, l'une de ses filles et ses neveux, les accusant de dévoyer son empire. Et bien sûr, personne ne peut être partout à la fois...

Ces dernières années, l'activité film X battait de l'aile avec des scènes d'une qualité très moyenne.


A 79 ans, il fut trahi par son cœur. Les amateurs de pornos ne peuvent que le pleurer. Il fut actif jusqu'au bout. Il avait ainsi ouvert les colonnes du magazine aux trans.

Flint rédigeait encore des éditos politiques. Son dernier fut ainsi consacré à l'espoir levé par l'élection de Joe Biden.


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