Le déclic - édition anniversaire

Il y a 40 ans (à peu près), Albin Michel publiait Le déclic. L'album devint un incontournable de la BD érotique. Cette anniversaire méritait bien une édition spéciale...

Milo Manara est un dessinateur au parcours complexe. Il semble sans cesse tiraillé entre une exigence artistique et l'appât du gain. D'où une œuvre foisonnante, mais inégale, avec quasiment un album par an entre 1982 et 2002.

Lorsque Milo Manara naquit, en 1945, il n'y avait pas de dessinateur de bandes dessinées. Juste des illustrateurs qui courraient après le cachet. D'ailleurs, il illustra lui-même L'histoire de France, une encyclopédie Larousse.
Puis vinrent les premières bandes dessinées, pour un public plutôt enfantin. Des scenarii très corsetés et surtout, il fallait dessiner à un rythme industriel. Tel son ami Hugo Pratt, qui enchainait les fumetti.
Arrivèrent les années 70 et la "BD adultes". Inspiré par Jean-Claude Forest, Milo Manara saupoudra son HP et Guiseppe Bergman de filles dénudées.

Mais voici qu'au début des années 80, Playmen (un clone Italien de Playboy) lui proposa de dessiner une histoire de fesses avec un vague scénario. Et il avait carte blanche !

Claudia, est l'une des premières héroïnes de Manara. Elle annonce les autres personnages féminins du dessinateur. A savoir une femme-enfant, issue de la bourgeoisie, victime de son appétit sexuel.

On a implanté un microprocesseur dans son cerveau, à son insu. Grâce à une télécommande, contrôlée par un médecin pervers, on peut activer la libido de Claudia...

C'est le fameux "déclic".

Et lorsque Claudia a le feu aux fesses, c'est aussi bien au sens propre, qu'au figuré !

La sodomie est ici davantage une provocation, qu'un fantasme. Milo Manara cherchait à repousser les limites, toujours plus loin. D'ailleurs, Albin Michel finira par censurer six planches.

En 1983, la BD érotique et même les films X étaient encore quelque chose de neuf. Il n'y avait pas encore de codes, d'esthétique... Milo Manara (se) cherchait donc. Dans "l'épisode urbain" du Déclic, on trouve une esthétique de fumetto : grosses voitures, manoirs... C'est presque du pro-Marc Dorcel !

Il n'est jamais précisé dans quel pays se passe l'action.

L'édition anniversaire, propose les deux versions du Déclic : noir et blanc et couleur.

Milo Manara dessinait en noir et blanc. Playmen voulu des planches en couleurs. Le dessinateur était alors en plein trek dans le sous-continent Indien. Faute de table lumineuse, il confia la couleur à des tiers, d'après des indications sur les planches (rappelons aux plus jeunes qu'en 1983, il n'y avait pas encore de visioconférences...)
Par la suite, L'écho des savanes publia les planches, mais les Français décidèrent de revenir au noir et blanc.

Personnellement, je trouve la version couleur trop criarde. Alors qu'en noir et blanc, on dirait presque une production de l'Association !

Le déclic n'a pas vraiment de scénario. C'est un enchainement d'historiettes : Claudia se rend dans un endroit, l'affreux docteur la suit (NDLA : il n'est jamais à son cabinet ?), il active le boitier et l'héroïne a envie d'être sodomisée.

Outre l'héroïne, Manara développa d'autres personnages récurrents.

On commence par le mari. Cocu naïf, voire benêt, il a toujours un métro de retard. Pire : ses idées ne font qu'empirer la situation de sa femme.

Autre figure habituelle : l'ecclésiaste pervers.

De son éducation religieuse, Milo Manara garda une fine connaissance des récits biblique... Et une aversion pour le catholicisme. Lorsqu'il put enfin se lâcher, il voulu donc "bouffer du curé".

Lorsqu'Albin Michel voulu publier Le déclic, ils découvrirent qu'il n'y avait pas assez de planches. Milo Manara ajouta une séquence dans une île tropicale. Elle fut diffusée dans Playmen et L'écho des savanes, quelques mois après la séquence finale !

Après une scène sur la plage, Claudia fait face à un détective chargé de la chaperonner. L'héroïne est complètement en chaleur, mais il refuse ses avances. Il préfère la faire boire pour qu'elle reste tranquille !
Cet épisode semble issu d'un Giuseppe Bergman. D'autant plus que l'auteur travaillait alors sur un nouvel opus, alors qu'il pensait en avoir fini avec Le déclic...

L'édition anniversaire revient sur la genèse du Déclic et les difficultés de Milo Manara pour diffuser ses œuvres.

C'était aussi l'âge d'or des revues érotiques. D'où des magazines éphémères, comme ce Glamour International. Il diffusa en avant-première des planches du Déclic, alors nommé Claudia.

La BD est éditée par Glénat. Le rôle de Casterman (qui avait publié les premiers albums de l'auteur) et d'Albin Michel (premier éditeur du Déclic), ainsi que leurs magazines respectifs A suivre et L'écho des savanes est minimisé.

Par contre, pour les 20 ans de la BD, Milo Manara avait ajouté cette scène. Jacques Glénat possédait le fameux microprocesseur. Des nymphettes l'activait et l'éditeur... Offrait des primes à tout le monde. Du plus pur humour comment vas-tu yo de poële...

En bon artiste, Milo Manara produit énormément de crobards. On en trouve quelques uns dans cette édition.

Les fesses relevée grâce à un coussin et la poire de lavement ne laissent aucun doute : cette femme veut être prise par derrière...

A la surprise générale, Le déclic fut un succès. Il fut adapté à la va-vite au cinéma.

Le déclic se terminait par le mot fin. Contrairement à Druuna, autre succès du rayon BD érotique, Le déclic n'avait pas laissé de pistes ouvertes.
C'est là que L'écho des savanes et Milo Manara glissèrent du côté obscur. Ils avaient trouvé un filon. Pourquoi ne pas l'exploiter ? L'argent était plus fort que la cohérence du scénario : il y eu un Déclic 2, 3 et même 4 ! Milo Manara poursuivit ses histoires de bourgeoises sodomisées : Le parfum de l'invisible, Rendez-vous fatal, Candide Caméra... Des scenarii bâclés, des héroïnes et des histoires interchangeables.

Sans parler de chef d’œuvre, Le déclic reste un des grands classiques de la BD érotique. C'est un témoin de son époque, avec une pornographie qui se cherchait.

Après, il existe quantité de rééditions, d'intégrales, etc.

Notez que Glénat vous propose l'album anniversaire à 99€ sur sa boutique... Alors qu'il est vendu trois fois moins cher sur Amazon.


Ensuite, il faudra être patient. Mon premier envoi s'est "perdu". 

Signalons qu'il vous est livré surfilmé.

En bonus, un album de Tangerine Dream. Dream Mixes 3 est sorti 7 ans après Le déclic 3. Le visuel ressemble à la télécommande du Déclic et il y a une histoire de "lune". Hasard ou coïncidence ?

Commentaires