LA Direct Models : Derek Hay contre-attaque

Il y a trois mois, la NBC avait diffusé un documentaire sur LA Direct Models. Contrats usuraires, cadences infernales, rétention de cachets, attouchements, proxénétisme... Dan Przygoda chargeait violemment cette agence de stars US du porno et son patron, Derek Hay. C'était un véritable réquisitoire de 75 minutes.
Porn Actresses Accuse Powerful Industry Agent of Fraud, Sex Abuse
Le documentaire met en lumière la vie des actrices de X, loin du glamour. L'arrivée permanente de nouvelles filles, la pression, l'argent qui brûle les doigts, les tentations de la drogue et de l'escorting... Cela corrobore ce que disaient Hot girls wanted ou le cri du cœur de Sunshyne Monroe. Clairement, ce ne sont plus des coïncidences ; on voit se dessiner les contours d'une réalité.

Après, j'avais d'emblée des réserves sur la forme. Le documentaire est filmé à l'Américaine. A savoir des confessions de témoins, face caméra. Plus précisément, des bouts de phrase, sorties de leur contexte ; un best of d'interviews. Le ton est volontiers lacrymal. Le tout entrecoupé de stock-shot de filles se déshabillant ou comptant des billets. On croirait revoir un Sexy zap sur M6 !
Plus sérieusement, le documentaire est très manichéen. Derek Hay est présenté comme un manipulateur, un escroc et un proxénète. De rares documents sont montrés à l'écran. Personne ne vient le défendre et personne ne contredit les trois ex-actrices sous contrat avec lui.
Et il y a Lisa Ann. L'actrice a travaillé pour LA Direct Models. Elle en détaille donc les pratiques.

Sauf que lorsque Lisa Ann travailla pour eux, c'était en 2005. Son crédo, c'est : "Je n'étais pas là, mais je vais tout vous dire."
Derek Hay a rapidement répondu avec une longue vidéo tournée à la va-vite, face caméra.
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Cette fois-ci, il s'offre un vrai contre-documentaire de 85 minutes. Il est réalisé par Michael Whiteacre, déjà auteur d'une série de documentaires consacrés à Shelley Luben.


La couverture est une parodie de celle du documentaire de Dan Przygoda.
Par rapport aux trois actrices, toujours au bord de la crise de larmes ou du coup de colère, le patron de LA Direct Models semble calme et posé. Cet anglais a gardé le parlé très châtié de son pays.
Qui plus est, lui, il possède les factures, les reçus et les contrats. De quoi prouver ses dires.


Surtout, il passe régulièrement devant les tribunaux. Il en a visiblement gardé l'habitude de bâtir un récit autour de preuves.
Ce droit de réponse balaye point par point le documentaire de Dan Przygoda.


En guise de témoins, il montre les employés de LA Direct Models, comme ici sa comptable. Les gens sont filmés sur site, sans maquillage, sans tronquer les phrases. Ce qui ajoute indubitablement au réalisme.
Après, vous avez déjà vu des employés dire du mal de leur patron, dans un film commandité par leur patron ?

Brooke Haven, ex-actrice, naguère sous contrat avec l'agence, vient également témoigner. Elle en fait des tonnes et son passage est accompagné d'une musique. A croire que même Michael Whiteacre a du mal à la croire, lorsqu'elle déclame son amour de Derek Hay. Allant jusqu'à le décrire comme "un très bel homme".
Dan Przygoda prenait pour argent-comptant les déclarations de ses témoins. Derek Hays fait preuve de davantage de recul.

Siouxsie Q était présentée comme une experte du monde du X. Cette ex-amatrice est surtout connue comme militante. Ancienne membre de la FSC (le syndicat du porno), désormais à l'APAC (un lobby des acteurs porno), elle est très active. Reste que son expérience du milieu est avant tout théorique. Surtout, elle n'a aucune compétence juridique pour juger contrats et factures.
Et puis, il y a Melina Mason, qui se fait désormais appeler Lydia Dupra...

Dans les premières secondes du documentaires de Dan Przygoda, elle déclarait en pleurs que Derek Hayes l'avait mise sur le trottoir, à son insu. En prime, il l'avait forcé à faire de la chirurgie esthétique. C'est pour cela qu'elle fini par quitter le porno...
On pourrait imaginer qu'ensuite, elle ait décidé de bifurquer vers une vie "normale". Voire, qu'à l'instar de Shelley Lubben, elle devienne une croisée de l'anti-porno...

Sauf qu'en fait, Melina Mason/Lydia Dupra décida de devenir elle-même agent. Se surnommant "the Heaux mentor". Elle se fit faire un "lifting à 100 000$" (dixit elle-même) et elle écrivit des livres sur la joie d'être une escort girl. Elle se vanta d'ailleurs de faire ce métier depuis ses 16 ans (donc bien avant d'avoir croisé Derek Hays.) En prime, elle diffusa un reality-show, The doll house, en collaboration avec Vice TV. Et pour le coup, elle n'hésite pas à engueuler vertement les filles qu'elle juge incapable ou moche...
Et qui est la coproductrice de The doll house ? Siouxie Q, qui apparait à l'écran, dès le générique.

En voilà deux que l'on croyait davantage opposées à la prostitution et à la chirurgie esthétique...
Pour Derek Hay, Dan Przygoda s'est fait balader. La personne derrière les accusations, ce serait Lisa Ann.

Quelle mois plus tôt, Jon Ronson avait publié le livre-audio The last days of August, consacré à August Ames. L'auteur diffuse une conversation téléphonique avec Lisa Ann. L'actrice l'aurait appelé pour lui dire que Derek Hays était derrière la mort d'August Ames et de plusieurs actrices mortes en 2018. Jon Ronson lui répond que ce genre d'allégations ne l'intéresse pas et il préfère raccrocher au nez.

Derek Hay en déduit qu'en Dan Przygoda, Lisa Ann aurait trouvé une oreille plus attentive. Ce réalisateur de courts-métrage sur les zombies et les vampires aurait construit son documentaire autour des allégations de Lisa Ann. Il aurait ensuite cherché des personnes allant dans le sens de ses accusations.
On peut reprocher à Derek Hay d'être aussi manichéen que Dan Przygoda et de ne choisir que les témoignages qui l'arrangent. Lorsque le patron jure qu'il est un philanthrope, toujours à l'écoute de ses actrices et complètement désintéressé, on peut sourire.

La vérité sur LA Direct Models se trouve sans doute entre les deux...

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