Les "romance adulte" de Cultura


De la pornographie, on en trouve un peu partout. Y compris chez Cultura ! Avec un beau rayon "mommy porn" ou plutôt "romance adulte". Du Cultura, sans le "tura"...


Alicia m'a beaucoup aidé avec Samia. Elle a relu le manuscrit. Mais surtout, elle y a apporté son expérience de femme. Par exemple, c'est elle qui m'a suggéré que les personnages se douchent après l'amour.

Dès qu'elle voit quelque chose lié à l'érotisme, elle pense à moi !

Ainsi, chez Cultura, elle a remarqué un beau rayon littérature érotique.


Quoi ? De la littérature érotique chez Cultura ? Pour moi, l'enseigne évoquait jusqu'ici plutôt des "loisirs créatifs".

En plus, en 2024, qui irait acheter un livre érotique au sus et à la vue de tous ? Alors qu'on peut profiter de l'anonymat d'internet...

Je me devais d'enquêter !


Je n'ai pas eu à chercher ! Les livres érotiques, ils y en a dans l'entrée !


Ensuite, c'est le tout premier rayon que l'on voit en entrant. L'astuce, c'est qu'il n'est pas labellisé "littérature érotique". Cela ferait fuir les lectrices. Cultura préfère parler de "romance adulte". 

Seul le placard "public averti" trahi le rayon. Beaucoup de visiteurs de Cultura ne savent peut-être même pas qu'il existe un tel rayon !


Oubliez les Esparbec, Emmanuelle, Histoire d'O et autres productions La Musardine. Place à des romans plus épais et aux couvertures discrètes. Des romans que l'on peut lire dans le métro ou au Starbucks.

Les chiffres sont édifiants. Les femmes représentent 52% de la population, mais 63% des lecteurs sont des lectrices. 90% des femmes lisent. 53% des femmes lisent tous les jours (contre 36% d'hommes.) 16% des femmes ont lu au moins une "romance pour adulte" au cours des 12 derniers mois. Un lectorat de femmes actives, dont les deux tiers privilégient les grandes surfaces spécialisées (type Cultura.) Elles veulent feuilleter avant d'acheter. Seules 10% achètent des livres sur les sites internet.


Ces lectrices ne veulent pas de la littérature érotique habituelle. Elles veulent du "mommy porn". Un genre destiné aux mères de famille. Des romances très épicées. Le plus emblématique d'entre eux est Cinquante nuance de Grey. Le premier tome est sorti en 2015. Le soufflet est retombé depuis. Pourtant, il est en bonne place dans le rayon. Alors que beaucoup de romans de la rentrée littéraire 2022 -y compris les livres primés- sont déjà au pilon...


Et lorsque vous ouvrez un roman, c'est juste consternant.

Des histoires de jeunes célibatantes. Elles rencontrent un collègue ou un voisin qui est un macho fini. Il tente de la séduire et elles refusent. 200 pages plus loin, elles finissent par dire oui et à la page suivante, ils sont au lit ! Les scènes de sexe ne durent qu'un petit paragraphe, mais c'est du hard : sodomie, SM, triolisme... Et à la fin, l'héroïne a épousé son macho, qui est désormais doux comme un agneau.

Presque tous les romans sont signés avec des pseudonymes anglais. Mais chez Edition Addictives, ils sont presque systématique. Néanmoins Emma Green, Anita Rigins ou Antinea Kane sont bien Françaises !


On reproche aux films X de donner de fausses images des rapports homme/femme et de la sexualité, à un public masculin. A commencer par des notions souvent floues de consentement.

Mais d'une manière symétrique, ces "romance adulte" inculquent de mauvaises notions aux femmes.
Il y a ce syndrome du prince charmant. J'ai connu des filles focalisées à fond sur leur carrière. Puis, à 30 ans, elles réalisent que leur horloge biologique s'affole, alors elles veulent un mari. Mais pourquoi en chercher un ou se contenter d'un "au cas où" ? Le mec de leurs rêves, il va tomber du ciel, comme dans les romans ! Elles n'ont même pas besoin de faire d'efforts, côté tenue ou maquillage : il les acceptera tel quel. L'homme, par contre, doit se plier en quatre face aux caprices de sa belle.
L'autre notion, c'est le "je peux le changer". Un amant violent, volage, jaloux, etc. se calmera, une fois la bague au doigt. Il ne veut pas s'engager ? Il suffit de tomber enceinte et il restera, non ? Ca vous donne des futures victimes de violences conjugales, voire des mères célibataires.
Et globalement, c'est une prime aux "bad boys", alors que la société explique aux mecs que les comportements machistes sont à bannir.

Commentaires