Yann Moix, fièvre jaune et stéréotypes

Introduction
J'étais dans un centre commercial et j'avais du temps à perdre. Mes pas m'ont guidé vers une librairie. Un magazine attire mon attention : Koï et son enquête sur le fétichisme des femmes asiatiques. Il m'a fallu un peu de temps pour trouver l'article en question (NDLA : leur maquette est vraiment pourrie.) Et c'était du caca.
De retour chez moi, je vais sur Google. L'habituelle presse bien-pensante fourmille d'articles sur la "fièvre jaune". Le ton est très virulent. En résumé : les blancs qui sortent avec des Asiatiques sont des racistes.


Le pompon, c'est le Huffington Post : "Je suis une Asiatique et je sors avec un blanc. Et je me déteste."
Pourquoi un tel déferlement de haine sur la "fièvre jaune" ? Y-a-t-il une ruée de blancs sur les Asiatiques, au cri de "eh, la geisha, tu veux bonne baise avec long-nez ?" ?

En y regardant de plus près, le détonateur, c'est un interview de Yann Moix dans Marie Claire, début janvier. L'animateur glisse qu'il ne sort qu'avec des Asiatiques de moins de 30 ans.

Second constat : mis à part le Huffington Post, on retrouve souvent les mêmes interviewées, d'un article à l'autre. A savoir la journaliste Linh-Lan Dao et Julie Hamaïde, rédactrice de Koï. Deux femmes qui témoignent du racisme des chasseurs d'Asiates. Et qui projettent leur expérience sur l'ensemble des blancs attirés par les Asiatiques.

Troisième constat : ce sont essentiellement des articles écris par des femmes. Blanches.
L'extension de l'extension du domaine de la lutte
L'une des raisons de cet engouement pour les Asiatiques, c'est que les jeunes blancs en ont marre des blanches. Ils en ont marre de sorties avec des petites princesses. Des égocentriques, le regard vissé dans Instagram, qui leur disent : "On est juste amis, hein ? Tu ne pourras pas m'embrasser avant le quatrième rendez-vous. Mais d'ici-là, tu payes tout, ok ?"
Peut-être aussi qu'ils étouffent dans une société occidentale où on leur explique qu'en tant qu'hommes blancs, ils sont responsables de toute la souffrance du monde, depuis la nuit des temps. Même dans une pub pour des rasoirs. Et qu'aborder une fille -inconnue ou pas-, c'est du harcèlement.

Il y a très exactement 25 ans, Michel Houellebecq décrivait un marché de la drague très libéral. Or, il s'est encore plus libéralisé avec l'arrivée de populations, hommes et femmes, extra-européennes. La femme blanche n'a plus le monopole.

Alors pourquoi ne pas voir ailleurs si les filles sont meilleures ?
De la même façon, les blanches aussi, profitent de cette ouverture du marché. Elles en ont marre des soy-boys. Des éternels adolescents qui ne savent même pas faire cuire des nouilles, qui pleurnichent en permanence et fuient les responsabilités.

Elles préfèrent les noirs ou les Magrébins, davantage sûrs d'eux et davantage ambitieux...
Oui, mais autant ces filles aiment faire jouer la concurrence, autant elles sont enragées de voir que les hommes font de même. Alors, elles sont jalouses des Asiatiques. "Mais qu'est-ce qu'ils lui trouvent, à la geisha ? C'est juste pour le cul, hein ? Quelle salope !"

Linh-Lan Dao et Julie Hamaïde sont les idiotes-utiles de ce raisonnement. Elles donnent une "bonne raison" pour montrer du doigt le fait que des blancs sortent avec les Asiatiques.
Le fantasme Asiatique
Julie Hamaïde est d'autant moins crédible qu'elle remonte jusqu'à l'Indochine pour expliquer le comportement de Yann Moix. L'animateur est comme ces coloniaux qui se choisissaient une congaï. A savoir une maitresse/maitresse de maison Asiatique interchangeable, qui ne servait qu'à assurer l'intérim jusqu'à l'arrivée d'une "vraie" compagne blanche.

D'une part, le fantasme du temps des colonies, c'était la Mauresque, pas l'Asiatique. Il suffit de relire la littérature érotique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. L'Indochine n'a pas eu son Delacroix ou son Théophile Gautier pour subjuguer sa sensualité auprès des Français.

D'autre part, la congaï, c'est très ancien ! Yann Moix, qui fut un homme de lettres, en a peut-être entendu parler. Mais son imaginaire, ça doit plutôt être Emmanuelle ou les prostituées de Full Metal Jacket.
Moi-même, j'avais dénoncé la représentation des femmes Asiatiques dans le porno, en 2017.

Force est de constater qu'elle a beaucoup évolué depuis. Julie Hamaïde, méconnaissant sans doute le porno, en est restée à la geisha et à la masseuse, qui s'extasie devant le sexe du blanc (forcément bien plus grand que celui des hommes Asiatiques.)
Or aujourd'hui, on ne la trouve presque plus que chez Rocco Siffredi, qui s'adresse à un public vieillissant. D'ailleurs, j'ai eu des difficultés à trouver l'image ci-dessous.
L'imaginaire porno autour des Asiatiques, chez les plus jeunes, c'est plutôt la culture japanime/hentai/cosplay. Mais ça reste marginal ; limité aux sites quasi-amateurs et aux cameuses.
Pourtant on note que le nombre de scènes avec des Asiatiques explose. La demande en actrices X Asiatique est plus forte que jamais. Mais c'en est pratiquement finis des kimono et des uniformes d'écolières.
On leur demande de jouer des collègues de travail, des camarades d'universités, des copines, voire des épouses de blancs. Le côté "Asiatique" se limite au faciès de la protagoniste.

Les patrons de sites ne sont pas idiots. Ils produisent en fonction de la demande. Et la demande porte donc sur des blancs qui se projettent avec des filles "normales". L'Asiatique, ce n'est plus la fille du bout du monde ; c'est la fille que l'on croise au quotidien.
Pour une nuit ou pour la vie
L'un des nombreux points que je n'aime pas dans tous ces articles, c'est qu'ils mettent tout le monde dans le même panier.

Linh-Lan Dao et Julie Hamaïde évoquent les "chasseurs d'Asiates". C'est quelqu'un qui cherche des filles Asiatiques interchangeables. Il veut la saillir, puis il la largue une fois arrivé à ses fins. C'est juste un collectionneur. La variante, c'est la personne qui veut juste cocher le "fantasme Asiatique" dans sa liste.
Dans les deux cas, généralement, à la fin, il se trouve une "vraie" femme blanche.

Ca, bien sûr, c'est une attitude abjecte. Quel que soit le type de filles.
Mais il existe aussi la personne qui a des sentiments sincères envers une Asiatique. Qui veut faire sa vie avec. Dans la rue, il n'est pas rare de croiser des blancs avec une Asiatique et un bébé dans une poussette.

Pourquoi est-ce qu'un blanc ne pourrait pas épouser une Asiatique ? Et si ça ne marche pas, pourquoi n'aurait-il pas droit de tenter de séduire une seconde Asiatique ? Faut-il instaurer un quota ? "Tu as déjà eu assez de copines Asiatiques, maintenant, tu dois sortir exclusivement avec des blanches !"

Mythes et réalités
On vit dans un monde qui est malgré tout cloisonné. On croise des gens différents, mais le soir, on reste dans l'entre-soit. Quelque part, lorsque l'on va vers l'autre, sa connaissance se limite uniquement à des stéréotypes.

Si l'on parle de faciès Asiatiques, on couvre un vaste espace et une population de plusieurs milliards d'individus, avec plusieurs langues, plusieurs religions, etc. Difficile de faire des généralités.
En tout cas, pour le mythe de la chaudasse, il faudra repasser. Que ce soit des pays de traditions confucéennes, catholique ou musulmane, ce sont presque toujours des pays conservateurs. Le porno y est censuré, voire carrément proscrit.
Même dans un pays ayant une production érotique foisonnante, le Japon, les sexe sont floutés. Ailleurs, l'éducation sexuelle est limitée. Il n'est pas rare que les gens soit vierges jusqu'à ce qu'ils rencontrent leur future époux, y compris dans les grandes villes.
Anecdote perso : en Chine, j'ai rencontré des jeunes qui jouaient les rebelles, notamment parce qu'ils avaient un internet non-censuré. Lorsque j'ai évoqué ce blog, ils ont tout de suite voulu le visiter. Ils sont tombés sur cet article... Et ils ont refermé aussi sec leur portable, choqués parce qu'ils avaient vu ! Et je le répète, c'était des mecs et ils se prenaient pour des caïds !

Partant de là, les femmes ne cherchent pas un coup d'un soir. Elles sont davantage habituées aux relations durables, voire pour la vie.
Il ne faut pas oublier que les stéréotypes fonctionnent dans les deux sens. Vu du bout du monde, l'Européen est exotique ! Les Asiatiques ne sont pas uniquement attirées par vos beaux yeux...

Pour les femmes des pays pauvres (Asie du Sud-est, Chine rurale, Asie Centrale...), le blanc, c'est un facteur d'ascension économico-sociale. Ce n'est pas forcément un choix par intérêt, voire un mariage blanc. Mais il est clair qu'être en couple avec un Européen, cela fait parti du chemin pour intégrer la classe moyenne de son pays d'accueil.

Dans Full Metal Jacket, Stanley Kubrick ne s'épanche pas sur les motivations des deux prostituées Vietnamiennes. Pourquoi courent-elles après les GIs ? L'homme qui accompagne la seconde est-il son proxénète ou son copain ? Si elles enchainent les passes, est-ce pour financer une fuite d'un pays en guerre ? Voire espèrent-elles que dans le lot, elles rencontreront un soldat qui les emmènera dans ses valises ?
Les femmes d'extrême-orient (Chine des villes, Taïwan, Corée du Sud, Japon...) sont plus fréquemment issues d'un milieu socio-culturel favorisé et elles ont elles-même fait davantage d'études.
Pour elles, le blanc est romantique et égalitariste. Elles y projettent l'opposé de leurs compatriotes masculins, machos et rustres. L'argent et la situation, elles l'ont déjà (et parfois davantage que leur compagnon.) Elles veulent plutôt vivre comme dans Amélie Poulain... En tout cas, ne comptez-pas sur elles pour être de gentilles femmes au foyer, douces et soumises !
Et enfin, il y a les immigrées de deuxième ou de troisième génération, parfois métissées.

A l'instar de Linh-Lan Dao et Julie Hamaïde, elles ne savent pas trop où se placer, ni ce qu'elles veulent. Elles se sentent Européennes et parfois, elles ne maitrisent même pas la langue de leurs ancêtres. Néanmoins, pas question de couper complètement les ponts, quitte à embrasser tout ou partie d'une culture asiatique au sens large, un peu imaginaire.
De même, pour leurs partenaires, elles hésitent. Elles ne veulent pas des hommes Asiatiques. Pour autant, elles reprochent aux blancs de ne voir en elles que des stéréotypes.
Conclusion
Encore une fois, autant on peut dénoncer le "chasseur d'Asiates" comme Yann Moix, autant le discours "sortir avec des Asiatiques, c'est raciste" est complètement absurde.

Embrassez qui vous voulez ! Personne n'a à vous dictez vos goûts et encore moins, à vous interdire de sortir avec une fille d'une autre ethnie. Ce serait justement la négation de tous les combats contre le racisme.
En fait, au nom d'une soi-disant défense des femmes Asiatiques, on voit surtout un discours féministe borné. Les hommes sortent avec les femmes qui les attirent, il faut y mettre un terme !

Sans entrer dans les théories néo-marxistes, pour l'extrême-gauche, les Arabo-musulmans et les noirs ont le monopole de l'oppression dans l'histoire. Les Asiatiques font parti des oppresseurs, au même titre que les blancs. Fonder une famille avec une Asiatique, c'est perpétuer l'oppression.

De plus, il ne faut pas que l'homme blanc cishet continue à maitriser son destin. Il doit désormais s'effacer au profit des autres. En matière de séduction, ce n'est plus à lui de choisir sa partenaire. Il doit prendre ce qu'on lui propose. Comme par exemple ce trans aux formes généreuses...
Vous n'en voulez pas ? Alors vous êtes transphobes, messieurs !

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