OnlyFans dans la tourmente

Le 19 août dernier, cataclysme dans le monde du porno : OnlyFans annonçait sa sortie des "contenus explicites". Au 1er octobre, seule la "nudité artistique" sera permise. Et au 1er décembre, les comptes n'ayant pas fait le ménage dans leurs contenus passés seront sanctionnés.

A priori, c'était un geste suicidaire. OnlyFans est une plateforme de diffusion de contenu porno, point.

La jurisprudence de Tumblr n'est guère rassurante. Verizon l'avait payé 1,1 milliards de dollars, en 2013. Après que la plateforme ait renoncé aux "contenus adulte", fin 2018, ce fut l’hémorragie. Verizon refusa une offre de PornHub pour 100 millions de dollars, au printemps 2019... Pour le revendre 3 millions de dollars, à Wordpress, en août 2019.

Comme Tumblr en son temps, OnlyFans tenta une campagne pour expliciter son nouveau paradigme : devenir une plateforme pour les artistes et créateurs indépendants.

Pendant ce temps, sans surprise, nombre de créateurs annonçaient qu'ils partaient pour une nouvelle plateforme. On voyait fleurir les messages comme celui-ci :

Les plateformes concurrentes étaient bien contentes d'accueillir les "réfugiés" d'OnlyFans. Certains payèrent des personnes ayant pignon sur rue pour vanter leurs bienfaits. Cela allait de la tribune officielle à la déclaration "spontanée" sur les réseaux sociaux. "ZboubieFans est vraiment trop bien ! En plus, jusqu'au 1er septembre, l'inscription à mon compte est gratuite !" Certains personnes firent même des mailing massifs à des personnes ayant des comptes OnlyFans pour les recruter (le rabatteur touchant une prime à chaque compte ouvert.)

Le 25 août, seconde volt-face : OnlyFans annulait sa décision. Plus de date buttoir pour poster des contenus "explicites".

Certains créateurs revinrent. D'autres étaient visiblement déjà engagés. Il faudra voir, sur le long terme, si OnlyFans reste à 1,5 millions de producteurs (dont 1 million ont posté quelque chose durant les 30 derniers jours.)


Pourquoi tant de haine ? L'industrie Américaine du X se retrouve entre le marteau et l'enclume.

Dans les années 70-80, les Républicains ont soutenu le porno, au nom de la liberté d'entreprendre. Larry Flint et Dennis Hof furent ainsi les ambassadeurs du parti.
Puis, dans les années 90, les Démocrates devinrent le parti pro-porno. L'idée était de donner un cadre légal à la pornographie et à la prostitution, pour mieux protéger ceux qui en vivait. Notamment au sein de la communauté LGBT. Nina Hartley et la FSC furent les pom-pom girls -parfois avec véhémence- des Démocrates.
Aujourd'hui, ça tape de partout. Depuis quelques années, la gauche est foncièrement anti-sexe. Le porno, c'est l'oppression du mâle cishet sur les autres. Et le culte de la beauté est discriminent. A droite, c'est le retour en force de la moral. Le porno, c'est de la propagande athée et pro-LGBT, qui détourne les esprits des braves chrétiens.
Tout le monde est contre le porno, mais durant le confinement, on ne s'est jamais autant masturbé. D'ailleurs, chaque mois, on voit apparaitre de nouveaux sites.

Les critiques accusent le porno de complaisance vis-à-vis de la prostitution illégale, de la pédopornographie, etc. PornHub dévoila une charte de bonne conduite, en vain.
Pour lutter contre le P2P, les ayant-droits avaient attaqué les entreprises qui faisaient de la pub sur les sites de téléchargement. En les accusant de cautionner le P2P. De même, les néo-puritains font désormais pression sur les banques et les assurances où ces sites sont clients. Pour gérer les abonnements et payer les créateurs, OnlyFans a besoin d'une banque. Tim Stokely, le patron -et fondateur- du site déclara que Mastercard l'avait banni, sous la pression des lobbyistes.

Le tollé autour de l'affaire, démontre la notoriété de la marque. Ce n'est pas seulement le leader du contenu porno, avec 150 millions d'abonnés, mais une marque forte, connue du grand public. Elle est d'ailleurs entrée dans la pop culture. Seul PornHub et en France, Jacquie & Michel, profitent d'une telle visibilité.

De la notoriété en quantitatif, mais aussi en qualitatif. Le client hésitant aura davantage confiant en OnlyFans qu'en une autre plateforme. Sachant que si l'on ouvre un compte auprès du site, il faut ensuite s'abonner directement auprès du créateur de contenu. On ne peut pas s'abonner à l'ensemble d'OnlyFans.

Après, en tant qu'utilisateur, j'en suis revenu. J'ai arrêté la plupart de mes abonnements. Les abonnements restant ont annoncé leur départ et tant pis, je ne les suivrai pas.

En cause, des photos et des vidéos souvent décevantes. Des filles qui se filment avec leurs smartphones en train de se caresser dans la pénombre.
En théorie, il est possible d’interagir. Certaines avouent franchement que non, elles ne répondront pas aux messages. Et la plupart du temps, par contre, on reçoit des messages pour dire de payer n euros supplémentaires pour débloquer telle série de photos ou de vidéos.
Il y a des sessions de streaming. J'ai assisté à des sessions avec 5 utilisateurs connectés et 0 pourboires. Néanmoins, à ne faire aucun effort, l'actrice l'avait bien cherché...

En théorie, OnlyFans n'était qu'une évolution du caming avec une espèce de blog.

Pour les actrices, c'était un moyen de se garantir un revenu entre deux tournages. Pour les novices, c'était aussi parfois un moyen de se faire remarquer.

Afin d'attirer plus d'abonnés, il faut du contenu de qualité, avec des moyens. La solution, c'est la collaboration. On tourne une scène pour mon compte, puis on en tourne une pour ton compte. Et tant qu'à faire, autant embaucher un vrai réalisateur (payé au black)...
La différence avec un film porno ? Les tests ne sont pas obligatoires. Et il y a eu au moins un cas d'actrice séropositive qui tournait des "collab".
Plus généralement, la plateforme possède un flicage minimaliste de ce qu'il diffuse. Il héberge, point. Et lorsqu'on lui remonte des infractions, il envoi des avertissements (les comptes les plus populaires bénéficiant d'une mansuétude certaine.)

Le chiffre à retenir, donné par OnlyFans, c'est 1 million de créateurs et 300 millions de dollars distribués chaque mois. Ce qui représente donc 300 dollars de revenu mensuel moyen par créateur. Revenu sur lequel il faut déduire le matériel (projecteur, lingerie, sex-toy...) et les impôts. Ça ne peut pas être un revenu principal.
Certains vivent très bien de ce type de sites, mais ça n'est pas la panacée. Accessoirement, arrêtez de considérer vos spectateurs comme des distributeurs de billets. Si vous voulez qu'ils achètent vos contenus, tournez de la qualité !

Pour les utilisateurs, je recommande la prudence. OnlyFans, malgré tous ses défauts, est une plateforme relativement sécurisée. D'autres plateformes sont régulièrement victimes de hacking, avec divulgation des comptes bancaires des abonnés...

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